Le 22 avril 2024
Je révise cet article aujourd’hui. Comme je l’avais écrit il y a 4 ans, lorsque j’ai commencé à publier sur ce blog, j’ai utilisé l’écriture Ip Man par pragmatisme, pour que mon blog soit mieux référencé. Il s’avère que 4 ans plus tard, vous êtes assez nombreux à visiter ce blog et lire mes articles ce qui me satisfait énormément !
Ce blog étant assez bien référencé maintenant, je vais remplacer toutes les fois où j’ai écrit Ip Man par Yip Man… ouai, je vais y passer un petit moment !
Dans ce court article, je voudrais évoquer les différentes écritures qu’il existe pour désigner le Grand Maître de Wing Chun ; Ip Man ou Yip Man.
Tout comme le terme Wing Chun, dont j’ai déjà abordé les différentes terminologies dans un précédant article, l’écriture du nom du Grand Maitre de Wing Chun est transcrite dans notre alphabet latin avec plusieurs écritures. De son nom complet 葉繼問 Ip/Yip Kai Man, mais plus souvent désigné 葉問 Ip/Yip Man, le débat concernant l’écriture latine de son nom n’est pas encore clos.
De Yip Man à Ip Man
Lorsque j’ai commencé le Wing Chun au début des années 2000, c’était le terme Yip Man qui était le plus souvent utilisé dans les livres, les magazines et sur internet. Ceci était le cas depuis de nombreuses années.
Les premiers livres en langue latine (exclusivement en anglais pour être plus précis) sur le Wing Chun ont été publiés aux Etats-Unis, à partir des années 1960. James Yim Lee, un ami de Bruce Lee, utilisait déjà l’écriture Yip Man dans son livre devenu célèbre Wing Chun Kung Fu, Chinese Art of Self-Defense en 1972. On peut citer d’autres livres connus qui ont utilisés l’écriture Yip Man comme ceux de Leung Ting dont les plus notoires et complets sont Wing Tsun Kuen publié en 1978 et Roots and Branches of Wing Tsun publié en 2000, mais aussi Ving Tsun Kuen Kuit de Moy Yat publié en 1982, Yuen Kay San Wing Chun Kuen History and Foundation de Rene Ritchie et Complete Wing Chun toujours de Rene Ritchie et de Robert Chu, publiés tous deux en 1998.
Concernant les magazines spécialisés dans les arts martiaux, aux Etats-Unis, Black Belt a toujours mentionné le terme Yip Man (on peut avoir accès à de nombreux numéros sur Google Books). En Europe, de nombreuses revues comme Budo international, Karate Bushido et Ceinture Noire l’ont également exclusivement utilisé, du moins sur cette période, jusqu’au début des années des années 2000.
C’est dans les années 2000 que le terme Ip Man a commencé à faire son apparition. En fait, ceux sont les fils de 葉問 qui ont vraisemblablement été les premiers à utiliser le terme Ip Man et donc à désigner leur nom de famille avec l’écriture Ip.
On peut donc voir écrit Ip Man dans le livre de Ip Chun et Michael Tse publié en 1998, Wing Chun Kung Fu, traditional chinese kung fu for self-defense and health, ainsi que dans le livre de Ip Ching publié en 2001, Ip Man Portrait of Kung Fu Master. D’ailleurs, dans son livre [1] Ip Ching se positionne sur l’écriture de son nom de famille et indique :
« Ajouter un Y au début du nom de Grand Maître Ip Man est totalement faux. » Ip Ching
Toutefois, dans les premiers livres de Ip Chun, ou Yip Chun ici en l’occurrence,116 Wing Tsun Dummy Techniques en 1981 et Wing Chun Martial Arts Principles & Techniques en 1993, c’est le terme Yip Man qui a été utilisé. Notez cependant que pour 116 Wing Tsun Dummy Techniques, même si Ip/Yip Chun est l’auteur, ce livre a été publié par les éditions de Leung Ting, ce qui explique donc l’utilisation des écritures Wing Tsun et Yip Man.
Par la suite, le terme Ip Man a été d’avantage popularisé avec les films pseudo-biopic à grand succès de Wilson Yip, qui au passage n’a aucun lien de parenté avec la famille du Grand Maître. Wilson Yip a utilisé le terme Ip Man comme titre à ses films aux nombres de quatre maintenant, dont le premier est sorti en 2008 et a rencontré un succès conséquent dans le monde du cinéma d’arts-martiaux. Par la suite, d’autres films et une série TV ont utilisé également le terme Ip Man ; les films de Herman Yau, Ip Man : The legend is born en 2010 et Ip Man : The Final Fight en 2013, puis la série TV Ip Man réalisé par Fan Xiaotan.
Il est indéniable que le succès du film Ip Man sortie 2008, ainsi que les nombreuses autres adaptations cinématographiques de la vie du Grand Maître, ont popularisé d’avantage cette orthographe et c’est donc aujourd’hui cette écriture qui est la plus couramment utilisée.
Du vivant de 葉問 qu’en était t-il ?
葉問 a vécu à Hong Kong de 1950 jusqu’à son décès en 1972. Durant cette période, Hong Kong était un territoire britannique, une colonie de la Couronne (Crown colony), et les autorités de la ville de Hong Kong utilisaient à la fois l’écriture chinoise et anglaise. Pourtant du vivant du Grand Maître, la plus part des documents mentionnant son nom étaient écrits en caractère chinois. C’est le cas dans plusieurs magazines d’arts martiaux du vivant de 葉問 comme le devenu célèbre numéro 56 de New Martial Hero de février 1972, où 葉問 donne un interview.
Cependant quelques documents ont été rédigés également en anglais et mentionnent le nom de 葉問 dans la langue de Shakespeare. Sur ce passeport de Hong Kong délivré le 15 mars 1963, on peut voir écrit Ip Yat et non Ip Man ou Yip Man. Il semblerait que le vieux maître ait donné ici, devant les autorités britanniques de Hong Kong, un nom fictif pour ne pas qu’on l’identifie. N’oublions pas que 葉問 faisait partie du Kuoamintang et qu’il a fuit la Chine continentale lorsque les communistes ont pris le pouvoir en 1949.
Ce document officiel est conservé dans un musée consacré au Grand Maître à Fatshan.
D’après Alex Richter, l’écriture Ip Man est incorrecte phonétiquement. De manière général, les fonctionnaires britanniques auraient été incompétents pour transcrire les noms et les lieux chinois de Hong Kong avec l’alphabet latin. L’écriture Ip Man sur ce passeport en est un exemple. [2]
Un autre document mentionne au contraire Yip Man. Il s’agit des statuts d’une association créée quelques semaines avant la mort du Grand Maître qui existe toujours aujourd’hui : la Yip Man Martial Art Association.
Ces documents ont été rédigés en octobre et septembre 1972. 葉問 était déjà très malade et fatigué à cette période puisqu’il est décédé quelques semaines plus tard, le 2 décembre 1972. On peut supposer qu’il n’ait pas vraiment pris part à la rédaction de ces documents et qu’il ne se soit pas préoccupé de l’orthographe de son nom de famille écrit en alphabet latin.
Enfin, en ce qui concerne le terme Ye Wen, plus rarement utilisé pour désigner le Grand Maître, il s’agit de la transcription phonétique le plus souvent employée de 葉問 selon la prononciation en mandarin.
Pour conclure cet article, je voudrais clarifier ma position à propos de ces différentes écritures. Lorsque j’ai débuté le Wing Chun c’est le terme Yip Man qui était le plus utilisé et c’est ce terme que j’ai utilisé sur mon site internet dès 2011 pour promouvoir mon école de Wing Chun. J’ai pour ma part plus d’affinité à lire et à utiliser le terme Yip Man et d’autre part, je suis plutôt du même avis que Alex Richter concernant l’approche linguistique. Ayant fait un peu d’étude linguistique dans mon cursus universitaire, il est vrai que selon l’alphabet phonétique international (API), 葉問 se prononce [jipman]. Selon l’API, le signe [j] désigne le son de la lettre « y » dans Yip Man, comme dans le mot yacht. C’est d’ailleurs cette même écriture qui est utilisée en jyutping, un des systèmes de romanisation du cantonais, pour écrire 葉問 ; jip man. De ce point de vue donc, il serrait plus correct d’écrire Yip Man que Ip Man car cela correspondrait d’avantage à la prononciation cantonaise du nom du Grand Maître.
Toutefois, dans mes articles j’utiliserai l’écriture Ip Man par pure pragmatisme : Ip Man est plus populaire de nos jours, et j’espère que cela peut améliorer d’avantage le référencement de ce site internet 🙂
Sources
[1] Ip Man Portrait of a Kung Fu Master, IP Ching et HEIMBURGER Ron, p41-42, King Dragon Press, 2001
[2] The Little Idea, Wing Chun compagnon book 2 : Siu Nim Tau, RICHTER Alex, pXX, ed City Wing Tsun, Inc, 2016
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