Les arts martiaux sont un patrimoine immatériel de l’humanité, au même titre que la danse ou la musique. Ils sont transmis de génération en génération, parfois par des traditions dites « immuables » selon les styles, les courant et les professeurs qui diffusent ces arts.
Toutefois, en tant que patrimoine immatériel, les arts martiaux sont toujours représentés par ceux qui les expriment. Il y a de fait, un biais, un prisme, de par l’expression martiale du pratiquant.
Je considère qu’un art martial est en constante évolution et qu’il n’est jamais gravé dans le marbre pour l’éternité. Au même titre qu’un langage, un art martial est vivant, il évolue, il mute, il se modifie que ce soit de manière volontaire ou non. Les pratiquants les plus traditionalistes et conservateurs n’apprécieront certainement pas cet article, mais mes mots n’ont pas vocation à faire consensus, j’exprime juste mon opinion.
Je distingue 3 étapes majeures dans le parcours d’un pratiquant d’arts martiaux. Je ne parle pas ici de grade mais plutôt d’un cheminement personnel amenant le pratiquant au plus haut niveau de son art.
Étape 1 : l’apprenti
L’apprenti, l’élève, le disciple… il s’agit du nouvel initié. C’est celui qui apprend un art martial à ses débuts jusqu’à un certain niveau de maîtrise. Il est dans la phase où il doit comprendre intellectuellement et physiquement son art. Il reproduit les mouvements, les techniques de son instructeur et de ses aînés mais ne se les aient pas encore réellement appropriés. C’est une étape plus ou moins longue où des efforts doivent être investis pour acquérir les fondamentaux du style. Dans la plupart des grades usuels, le passage à la ceinture noire symbolise un certain niveau de maîtrise.
Étape 2 : l’expert
L’expert, c’est le pratiquant confirmé. Il a acquis de l’expérience et maîtrise les fondamentaux de son art martial. L’expert représente correctement le style qu’il pratique, de telle sorte que lorsqu’il s’agit d’un art martial classique, connu du grand public (Karate, Muay Thai, Capoeira, Wing Chun, Taekwondo …), on reconnait le style à sa façon de bouger. Des réflexes sont profondément ancrés dans sa pratique et l’intellect est moins sollicité. Ses mouvements sont fluides, précis et puissants. L’expert s’exprime librement à travers son style. Il est un exemple pour ses cadets et il n’est pas rare qu’à ce stade il soit déjà instructeur de son art martial.
Étape 3 : le maître
Le maître, c’est celui qui a atteint le plus haut niveau de son art. Par maître, je ne parle pas forcement de celui qui enseigne, même si c’est souvent le cas. Le maître est celui qui ne fait qu’un avec son art, qui le transcende même. Sa pratique est fluide et ses mouvements paraissent naturels. Il faut considérer ici, un pratiquant ayant une connaissance très profonde de son style avec une très grande expérience. De fait, le maître est un pratiquant souvent âgé qui fait consensus, au moins, au sein de sa communauté. A ce stade là, si le maître est professeur et qu’il a établi une lignée, il est fort probable qu’il marque profondément le style qu’il pratique et qu’il l’influence d’une manière ou d’une autre. De cette façon, le style du maître évolue, se modifie et peut prendre une tout autre saveur.
Le parcours du pratiquant est emprunté par tous ceux qui désirent pratiquer un art martial. Beaucoup ne dépasseront pas le stade d’apprenti et très peu arriveront à celui de maître. En effet, si seule la motivation suffit pour débuter, il requière toutefois de la discipline pour entrainer et peaufiner ses techniques pendant plusieurs années. La persévérance est nécessaire pour atteindre un haut niveau de pratique et cela n’est pas à la portée de tout le monde. On appelle ça Kung Fu dans les arts martiaux chinois, je vous renvoie à mon article sur le sujet.
Comment reconnaitre l’expert et le maître ?
Les usurpateurs existent dans tous les domaines et il n’est pas toujours facile de les identifier au premier abord.
Un proverbe chinois dit Yat Tung Seui Bat Heung, Bun Tung Seui Fong Dong 一桶水不响 半桶水晃荡, ce qui signifie « Un seau d’eau plein ne fait pas de bruit, un demi-seau clapote. » Ce proverbe est une métaphore qui compare le niveau de connaissance d’une personne, au niveau d’un seau d’eau. En d’autres termes, une personne ayant un haut niveau de connaissance est généralement discrète et ne ressent pas le besoin de s’exprimer pour exposer ses connaissances, c’est le seau plein. Au contraire, une personne ayant moins de connaissance peut parler beaucoup pour tenter de se positionner en tant que personne savante, celle qui sait, elle fait beaucoup de bruit, c’est le seau à moitié plein.
Mais restons davantage simple et pragmatique ; on reconnait un musicien ou un danseur par sa prestation artistique, il en va de même pour un pratiquant d’arts martiaux. Certes d’un style à un autre les expressions martiales sont parfois très différentes ; le Shifu de Tai Chi Chuan s’exprimera en faisant des poussées de mains, Tuishou 推手, alors que le Mestre de Capoeira le fera au sein d’une Roda, et le Khru de Muay Thai montrera des applications martiales à pleine vitesse, avec puissance et précision. Qu’importe le style, on reconnait déjà les talents d’un pratiquant… par sa pratique !
Un pratiquant d’arts martiaux n’évoluant jamais seul, l’expert et le maître ont forcement des interactions sociales avec d’autres pratiquants. La reconnaissance se fait souvent par des personnes de niveau différent. Tout d’abord par des personnes ayant un niveau supérieur qui peuvent attribuer des grades ou des titres de reconnaissance. Par des pairs ayant un niveau équivalent. Et enfin par des pratiquants de niveau inférieur ou des élèves/disciples, si l’expert/maître est professeur.
Enfin la reconnaissance se manifeste aussi au-delà du clan du pratiquant par son rayonnement. C’est à dire par la reconnaissance de structure extérieur à la sienne, d’experts/maîtres d’autres styles, de la presse, etc.. qui reconnaissent le pratiquant comme étant compétent dans son domaine et qui fait figure d’autorité.